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Traduction en cours d'un article de Clay Shirky à propos de la croissance des Communautés en Ligne

Seul le lien original fait référence -- Article publié en avril 2002 -- Attente traduction auteur en cours

Communautés, Audience et Croissance

Avant l'internet, les différences en communication entre un groupe et son audience furent prédominées par le média -- le téléphone était intéressant pour des conversations inter-individuelles mais plutôt de piètre qualité pour toucher rapidement de grosses audiences. La télévision de son côté était dotée de fonctionnalités complètement inverses. L'internet a pu permettre de pallier cette division en fournissant un médium unique qui pouvait toucher tant les communautés que les audiences. Le courrier électronique peut être désormais utilisé pour des conversations ou du "broadcasting", les groupes de discussion peuvent supporter soit les conversations de groupe ou la publication de documents publics et ainsi de suite. Plus récemment, l'essor du "Web qui s'Ecrit", essentiellement les weblogs (NDT et les wikis !), préfigure un modèle de conversation à deux sens doté de très forts potentiels.

Avec de tels outils, la première question qui vient à l'esprit reste "Pouvons-nous obtenir le meilleur de ces deux mondes ? Pouvons-nous disposer d'un médium apte à pouvoir répandre des messages à une audience large, mais qui permette aussi à tous les membres de cette audience d'échanger les uns les autres comme dans n'importe quelle communauté ?" La réponse semble être "Non".

Les communautés diffèrent des audiences et ce fondamentalement pour des raisons humaines, pas pour des questions de technologies. Vous ne pouvez simplement pas transformer une communauté grâce la technologie, parce qu'une communauté sous-tend des relations humaines vraiment différentes entre l'émetteur et le récepteur des messages.

Même si les deux se tiennent ensemble en quelque sorte par la communication, une audience est caractérisée par un relation à sens unique entre l'émetteur et le récepteur, et par le manque de jonction de ses membres entre eux -- un modèle de "one to many". Dans une communauté, à contrario, les gens envoient et reçoivent des messages, et les membres d'une communauté sont connectés les uns aux autres, et non à quelque organisation centralisée -- un modèle many to many [1]. Les positions extrêmes des deux modèles pourraient être visualisées comme un diffuseur star où toute l'interaction est à sens unique du centre vers les bords, contrairement à un cercle où chacun est directement connecté à n'importe qui d'autre sans avoir besoin de place centrale.

Le résultat de ces différences, les communautés ont de sérieuses limites hautes quant à leurs seuils critiques, alors que les audiences peuvent devenir importantes. Prenons un autre exemple, plus un groupe maillé ensemble par la communication croît, plus il a tendance à devenir comme une audience -- largement déconnecté et maillé par des transferts de communication du centre vers le bord -- parce qu'un nombre croissant de gens dans un groupe affaiblit la connexion communale.

Les fonctionnalités que nous associons au média de masse sont tout autant un produit de masse qu'un média. Parce que la croissance de la taille d'un groupe est suffisante pour transformer une communauté en audience, le logiciel relationnel (ou logiciel social), peu importe ce qu'il recouvre, ne sera jamais capable de créer un groupe qui soit large avec une forte densité d'interconnexions.

Typologie de Communauté

Cette barrière à la croissance d'une simple communauté est provoquée par la collision des limites sociales associée à la mathématique des grands groupes : plus le groupe grandit, plus le nombre de connexions requises entre les gens dans le groupe dépasse la capacité humaine de pouvoir les produire ou les garder en mémoire.

Des membres d'une communauté sont interconnectés et une communauté forme un réseau "complet", là où chaque connexion qui peut être faite se fait. (Bob connaît Carole, Ted, et Alice; Carol connaît Bob, Ted, et Alice; et ainsi de suite). L'interconnexion dense est évidemment le source de la valeur d'une communauté, mais elle accroît l'effort qui doit être dépensé au fur et à mesure de la croissance du groupe. Vous ne pouvez pas joindre une communauté sans entrer vers quelque forme de relation sociale mutuelle avec au moins quelques-uns de ses membres, mais parce que les membres ont besoin de plus de connexions, ces coûts de coordination augmentent avec la taille du groupe.

Pour qu'un nouveau membre se connecte complètement à un groupe existant, cela nécessite autant de nouvelles connexions qu'il y a de membres du groupe, aussi rejoindre une communauté qui a 5 membres est plus simple que rejoindre une communauté qui a 50 membres. De plus, ce consensus entre la taille et la facilité d'ajouter des nouveaux membres existe même si le groupe n'est pas complètement interconnecté ; maintenir une densité donnée de connexions devient de plus en plus difficile au fur et à mesure de la croissance du groupe. Quand les nouveaux membres arrivent, cela crée soit plus d'effort ou baisse la densité de connexion, ou tout à la fois cannibalise l'interconnexion qui fait la communauté. [2]

Parce que la taille du groupe croît avec la capacité de n'importe quel individu à maintenir des connexions vers tous les membres d'un groupe, la densité baisse et quand le groupe devient trop grand (>10 000), le nombre de connexions en cours tombe à moins d'1% des connexions potentielles, même si chaque membre du groupe connaît des dizaines d'autres membres. De ce fait la croissance en taille est suffisante pour altérer la production de connexions qui fait qu'une communauté fonctionne. (Quiconque a vu un groupe de discussion ou une liste de discussion croître rapidement connaît ce phénomène).

As group size grows past any individual's ability to maintain connections to all members of a group, the density shrinks, and as the group grows very large (>10,000) the number of actual connections drops to less than 1% of the potential connections, even if each member of the group knows dozens of other members. Thus growth in size is enough to alter the fabric of connection that makes a community work. (Anyone who has seen a discussion group or mailing list grow quickly is familiar with this phenomenon.)

A contrario, une audience a un très petit jeu de connexions et n'exige pas de mutualisme entre les membres. Ainsi dit une audience n'a pas de coûts de coordination associés à sa croissance, parce que chaque nouveau membre d'une audience crée une connexion uniquement à sens unique. Vous devez connaître l'adresse de Yahoo pour rejoindre l'audience de Yahoo, mais ni Yahoo ni n'importe lequel des autres utilisateurs n'a pas besoin de savoir quoi que ce soit à votre sujet. La qualité déconnectée d'une audience qui leur rend cela possible permet de faire croître beaucoup (beaucoup) plus largement qu'une communauté ne le peut, parce qu'une audience peut toujours exister avec un nombre minimum de connexions requises (N connexions pour N utilisateurs).

L'émergence des Audiences vers le Média bi-directionnel

Avant l'internet, la qualité sortante du média de masse pouvait être limitée techniquement -- la TV avait une relation à sens unique vers son audience parce que la TV est un médium à sens unique. La croissance des médias à double sens montre que le modèle d'audience s'établit lui-même dans un sens ou un autre -- les listes de destinataires deviennent des listes de lecteurs reluqueurs non conributifs, les communautés en ligne (par ex. LambdaMOO, Well, Echo) voient éventuellement leurs membres s'agiter pour enfermer l'émergence de nouveaux venus, les utilisateurs de sites comme slashdot voient leurs billets de moins en moins acceptés. [3]

Si l'engagement d'un vrai groupe est limité aux groupes se chiffrant à une centaine ou même quelques milliers [4], alors l'asymétrie et la déconnexion qui caractérise une audience apparaîtra automatiquement comme un groupe de personnes qui croît en taille, comme le "many to many" devient du "few to many" et la majorité de la communication passe du centre vers le bord, pas du bord vers le centre ou du bord à bord. Pour aller plus loin, plus le groupe grandira, plus cette assymétrie sera significative et plus la déconnexion surviendra : toute liste de diffusion ou weblog doté de plus de 10 000 leteurs sera connecté de manière très éparse, quel que soit la façon dont il est organisé. (Cette organisation diffuse du groupe le plus grand peut bien sûr devenir plus petite et s'éclater en sous-communautés).

More Is Different

Pendant ce temps, plus de 500 millions de personnes fréquentent l'internet et la population s'accroît de jour en jour. Quiconque voudrait atteindre même une dizaine de milliers de ces personnes n'en saura pas plus sur elle, ni même les gens entre eux ne se connaîtront pas. Le modèle de communauté est pertinent pour répandre des messages à un groupe relativement petit et soudé, mais mauvais pour toucher un groupe de grande taille et dispersé, parce que le consensus entre la taille et la connectivité atténue la diffusion du message bien en deçà des chiffres qui peuvent être adressés en tant qu'audience.

Il est significatif que les deux seuls exemples que nous avons de communauté vraiment massives pour diffuser des messages sur l'internet -- les rumeurs par courrier électronique et les virus Outlook -- s'appuient sur la capacité à empêcher les utilisateurs de transférer massivement, soit par un truc social ou technologique. Quand quelque chose comme All Your Base ou OddTodd brûle sur la scène, le moment de son arrivée ne vient pas quand il s'épanche latéralement de communautés en communautés, mais bien quand la propagation latérale retient l'attention d'une diffusion média [5].

Qu'importe la technologie, les groupes larges sont différents des petits groupes, parce qu'il créent des pressions sociales contre l'organisation communautaire qu'ils ne peuvent trivialement dépasser. C'est un modèle souvent croisé, avec des listes de diffusion, des BBS, des MUD, usenet et plus récemment les weblogs et les wikis, la majorité de ceux qui atteignent de petits et groupes relativement maillés, pendant qu'une poignée parviennent à des audiences se chiffrant en dizaines voire centaines de milliers (cf. andrewsullivan.com)

L'incapacité d'une communauté impliquée à croître passée une certaine taille, irrespective de la technologie, signifiera qu'au fil du temps, les barrières du développement communautaire provoqueront une frontière entre les médias traditionnels qui embrassent le modèle communautaire et restent petits, et ceux qui adopteront le modèle de publication afin de parvenir à la croissance. Ce n'est pas pour dire que tous les médias qui adressent une audience de 10 000 ou plus de personnes sont identiques ; avoir une colonne type Lettre de l'Editeur modifie la relation d'un journal à son lectorat, même si la plupart des lecteurs n'écrivent jamais, la plupart des lettres ne sont pas publiées et la plupart des lecteurs ne lisent pas chacune des lettres.

Même s'il est tentant de penser que nous pouvons en quelque sorte nous passer des effets du média de masse avec les nouvelles technologies, la difficulté de toucher des millions ou même des dizaines de milliers de personnes d'une communauté en une fois relève tout autant d'une écriture humaine tout comme la capacité de réseauter. Pas besoin de savoir quel est l'esprit de la communauté, avoir besoin de toucher un grand groupe de gens crée de l'assymétrie et de la déconnexion parmi ce groupe -- en d'autres mots, transformez-les en audience -- et il n'y aura pas de solution technologique facile pour pallier ce problème.

Comme les effets dérivés des Lettres à l'Editeur, un des défis de conception pour le logiciel social sera de permettre aux groupes de croître une fois franchies les limites d'une unique et dense communauté interconnectée tout en préservant quelque possibilité de participation ou proposition, même si la plupart des membres de ce groupe n'interagiront jamais l'un avec l'autre.


Notes de bas de page

1. Defining community as a communicating group risks circularity by ignoring other, more passive uses of the term, as with "the community of retirees." Though there are several valid definitions of community that point to shared but latent characteristics, there is really no other word that describes a group of people actively engaged in some shared conversation or task, and infelicitous turns of phrase like 'engaged communicative group' are more narrowly accurate, but fail to capture the communal feeling that arises out of such engagement. For this analysis, 'community' is used as a term of art to refer to groups whose members actively communicate with one another. [ Return]

1. Définir une communauté comme un groupe communiquant risque la circularité en ignorant l'autre, plus les usages passifs de la définition comme "la communauté des retraités". Même s'il existe plusieurs définitions valides qui pointent vers des caractéristiques partagées mais latentes, il n'y a pas d'autre mot pour décrire un groupe de personnes vraiment impliquées dans quelque conversation partagée ou en tâche, et des "infelicitous" tournures de phrases comme "groupe communicatif engagé" sont plus étroitement pointus, mais échouent pour capturer le sentiment communal qui émerge d'un tel engagement. Pour cette analyse, la communauté est utilisée comme une définition de l'art de se référer à des groupes dont les membres communiquent les uns avec les autres . [Retour]

2. Le nombre total des connexions possibles dans un groupe croît au carré, parce que chaque membre du groupe doit se connecter à chaque autre membre excepté eux-mêmes. En général, par ce fait, un groupe de N membres a N x (N - 1) connexions, ce qui revient à N2 - N. Si Carole et Guillaume se connaissent, ils comptent comme une relation unique, il y a moitié moins de relations que de connexions, aussi le chiffre pertinent sera de (N2 - N)/2.

Parce que ces nombres grandissent au carré, chaque accroissementde 10-dossier dans la taille du groupe crée un accroissement de 100-dossiers dans les connexions possibles. un groupe de 1° a à peu près une centaine de connexions possibles (et la moitié en relation à double sens), un goupe de 100 a environ 10000 connexions, un groupe de mille en a environ un million et ainsi de suite. Le nombre de connexions potentielles dans un groupe passe au milliard dès que la taille du groupe augmente au delà de trente mille. [Retour]

3. Slashdot souffre d'un des effets connus de la croissance d'une communauté. La croissance des utilisateurs objectant le contrôle des éditeurs Slashdot souffre des effets communs de la croissance d'une communauté -- le soulèvement des utilisateurs s'opposant à la direction que les rédacteurs exercent sur le site. Une grande partie du commentaire sur cette question, à la fois sur slashdot et sur des sites similaires tels que kuro5hin, tourne autour des thèmes jumeaux à savoir comprendre que les propriétaires et les opérateurs du slashdot peuvent faire ce qu'ils aiment avec le site, et ce couplé à un sens étonnamment émotif de trahison que la communauté contrôle, sous forme de modération.

(En savoir plus sur kuro5hin et slashdot. [Retour]

4. Dans Grooming, Gossip, and the Evolution of Language (ISBN 0674363361), le primatologue Robin Dunbar avance que les humains sont adaptés pour des groupes sociaux d'environ 150 ou moins, une taille qui apparaît dans un certain nombre de sociétés traditionnelles, aussi bien dans les groupes actuels tels que les communautés religieuses de Hutterite. Dunbar argue du fait que le cerveau humain est optimisé pour maintenir des rapports sociaux dans les groupes petits que 150, mais non plus grand. [Retour]

5. Dans The Tipping Point (ISBN 0316346624), Malcolm Gladwell montrait en détail la montée en puissance étonnante des chaussures Hush Puppies au milieu des années 90, partie d'une adoption par un groupe d'enfants dans le East Village pour devenir un phénomène national. Le moment de rupture est venu quand Hush Puppies fut adopté par des designers à la mode, avec un concepteur allant si loin que de placer une mascotte de 25 pieds sur le toit de sa boutique à Los Angeles. Les gamins ont retenu l'attention des designers, mais c'était les designers qui ont retenu l'attention du monde, en hissant HushPuppies au delà des communautés dans lesquelles ils démarrèrent et se répandant vers une audience qui intéressait les designers. [Retour]

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